Humains imparfaits, machines efficientes 

Nous, êtres humains, avons de nombreux défauts : nous sommes lents, désordonnés, susceptibles, distraits, etc. Nous dormons pendant de nombreuses heures et ne sommes pas contents quand on nous réveille. Nous exigeons un salaire en échange de notre travail… Autant d’inconvénients dont les machines sont dépourvues. 

Remplacer des êtres humains par des robots dans des situations relationnelles n’est pas uniquement bénéfique pour les entreprises. Nous en profitons aussi à titre individuel : 

• Consulter Google Maps évite de demander son chemin à un inconnu. 

• Apprendre une langue avec une appli comme DuoLinguo permet de ne pas avoir à prendre rendez-vous avec un professeur à un horaire fixé d’avance. 

• Signer un document en ligne évite de se déplacer à une assemblée générale d’actionnaires ou de copropriétaires. 

• Si vous dites « Siri (ou Alexa), réserve une table pour deux dans tel ou tel restaurant », vous économisez quelques secondes de conversation avec le responsable de l’établissement en question. 

Machines intelligentes > Plus de possibilités 

À mesure que l’IA devient de plus en plus sophistiquée, elle semble s’anthropomorphiser et devient capable de se substituer à l’humain dans des situations encore invraisemblables il y à quelques années. 

L’an dernier, Snap —une application de messagerie populaire parmi les adolescents— a lancé MyAI, un service permettant d’échanger des messages avec une IA, comme si celle-ci était un ami. En 2 mois, elle a atteint 150  millions d’utilisateurs qui ont remplacé au moins en partie leurs amis par ce programme. MyAI ne dort jamais donc si un utilisateur se réveille à 3 heures du matin et a envie de parler, il est sans doute plus facile de l’ouvrir que de réveiller un ami. Elle ne juge pas et ne prend rien mal. Elle est à votre service. 

Publicité pour le service MyAI de la société Snap

Un autre domaine dans lequel la disponibilité est un élément clé a trait à la prise en charge de personnes âgées. Ici aussi les robots intelligents promettent de devenir leurs nouveaux assistants. Ceci est particulièrement utile dans une société qui vieillit et où tout le monde vit de façon frénétique qui rend difficile de prendre en charge une personne dépendante. 

La sexualité pourrait aussi être envahie par des robots dont le but serait de satisfaire n’importe quel désir, évitant tous les obstacles intrinsèques à l’interaction humaine. Des entreprises comme RealDoll ou RobotCompanion offrent déjà des modèles fidèles à la réalité et toujours disposés à maintenir une relation. 

Pour le moment, il est encore facile de savoir quand on a en face de soi une machine ou un humain, mais cela pourrait vite changer. OpenAI, l’entreprise derrière ChatGPT, travaille sur un système de clonage de la voix humaine qui pourrait poursuivre une conversation sans que l’interlocuteur ne se rende compte qu’il est en train de parler avec une machine. 

Le coût caché de l’interaction avec des machines 

Les relations entre êtres humains sont rarement unidirectionnelles, sans qu’une des deux parties ne finisse par s’en délaisser. Si vous parlez avec un ami, vous devez aussi l’écouter s’il a quelque chose à vous raconter.  

En évitant aux personnes de devoir regarder un peu plus loin qu’elles-mêmes, des machines toujours disponibles et conçues pour répondre aux attentes de chacun produisent un repli sur soi. Poussé à son paroxysme, cet utilitarisme ne contribue sans doute pas à nous rendre plus heureux. 

La détérioration accélérée de la santé mentale depuis le début de la décennie 2010 s’explique par plusieurs facteurs que nous avons déjà commentés dans OFF. L’un d’entre eux a trait à l’épidémie de solitude que nous traversons. Un environnement dans lequel il n’est plus nécessaire de se déranger pour interagir avec d’autres humains —avec tous les avantages que cela implique à court terme— pourrait avoir un coût élevé pour notre bien-être. 

Comment les Américains de 15 ans et plus passent leur temps

Source : Enquête américaine sur l'emploi du temps via Opal

En France, le sentiment de solitude a progressé de 38% en 5 ans. Alors que, traditionnellement, les personnes âgées étaient les plus seules, la tranche la plus affectée est désormais celle des 18-24 ans. 

Une étude récente sur l’utilisation de l’IA générative dans les universités a montré que celle-ci pouvait avoir un résultat positif sur la performance des étudiants à court terme. Mais la substitution des relations avec des professeurs, bibliothécaires ou autres personnes par des interactions avec des chatbots a un impact négatif sur le bien-être psychologique et le sentiment d’appartenance des étudiants, ce qui finit par affecter leur succès dans un sens plus large. 

Nous ne saurons résister à l’efficience permise par l’interaction avec les machines que si nous prenons conscience que l’effort que nous fournissons quand nous interagissons avec des humains représente un investissement gagnant.  

Je vous souhaite que le bouton OFF soit l’un des grands protagonistes de votre pause estivale.

A bientôt ! 

Diego